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Cinéma
A Normal Family (109’) - Film coréen de Hur Jin-ho
A Normal Family (109’) - Film coréen de Hur Jin-ho

| Jean-Louis Requena 858 mots

A Normal Family (109’) - Film coréen de Hur Jin-ho

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"A Normal Family" de Hur Jin-ho ©
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"A Normal Family" ©
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Séoul mégalopole (10 millions d’habitants), capitale de la Corée du Sud. Une altercation dans une avenue de la ville tourne mal : un jeune conducteur excédé par son contradicteur, père de famille, le fauche mortellement au volant de sa berline de luxe. En fin de trajectoire, il emboutit le SUV de l’homme, blessant gravement la fillette restée dans ce véhicule. La scène violente a été enregistré par des caméras de surveillance et filmée par des passants, sous le choc. L’enfant est amenée d’urgence à l’hôpital et prise immédiatement en charge dans le service du chirurgien Yang Jae-gyoo (Jang Dong-gun) qui l’opère aussitôt. Son diagnostic vital est incertain.

Yang Jae-wan (Seol Kyeong-gu) un grand avocat, frère aîné de Jae-gyoo, mène grand train et habite un très bel appartement alors que celui de son frère cadet est modeste. Il vient de se marier, en secondes noces, avec une jeune femme Ji-soo (Claudia Kim). Le couple a un bébé que tous deux chérissent. Les deux frères, bien qu’issus de la classe bourgeoise, ne s’entendent pas bien : l’aîné est matérialiste et sans scrupule ; le second perfectionniste acquis a des valeurs morales. De surcroît, la femme du médecin Yeon-kyeong (Kim hee-ae), une traductrice indépendante, exècre la jeune épouse de Jae-wan, une ancienne pâtissière, qu’elle considère comme futile, sans intérêt.

L’avocat a une fille de son premier mariage : Hye-yoon (Hong Te-ji), une élève brillante laquelle espère intégrer une grande université. Elle donne quelques cours du soir à Si-ho (Kim Jung-chul), le fils du frère de son père, qui n’est pas bon élève. Ce dernier est un « souffre-douleur » harcelé dans son établissement scolaire. Malgré la différence de statut matériel et scolaire, les cousins s’entendent bien et n’hésitent pas à assister, ensemble, à des soirées arrosées. Hye-yoon est plus délurée que Si-ho, plus réservé.

Dans la famille, un rituel s’est installé : chaque mois le riche avocat invite son frère et sa femme dans un grand restaurant de Séoul. Dans un salon privé ils dinent non sans quelques frictions. Le chirurgien apprend que son frère va défendre le chauffard, fils d’un homme richissime. Le copieux diner se déroule dans une atmosphère tendue.

Un jour, leurs deux enfants complices, décident sous l’impulsion de Hye-yoon, de participer à une « party » ou l’alcool et les drogues circulent …

A Normal Family est un long métrage du réalisateur et scénariste coréen Hur Jin-ho (51 ans). A notre connaissance aucun de ses précédentes œuvres (il en dirigée huit) n’a été diffusée en France. Le récit, librement adapté du roman Le Diner (2009) de l’écrivain néerlandais Herman Koch, a été déjà « acclimaté » par d’autres pays : au Pays Bas (Het diner – 2013), en Italie (I nostri ragazzi – 2014) et aux États-Unis (The Diner – 2017). 
C’est l’histoire universelle entre les parents et leurs enfants qui ne connaissent pas. Hur Jin-ho et ses deux scénaristes l’ont modifié afin de l’adapter à la société coréenne si particulière, à la fois très matérialiste, très exigeante, et angoissée quant à son avenir. La proximité de la Corée du Nord, pays au régime politique extravagant, sorte de « monarchie communiste », n’y est pas pour rien. (Séoul est située à 60 kilomètres de la frontière séparant les deux Corées). 

Dans cette société contrastée, inégalitaire, au taux de fécondité le plus bas du monde (hors Vatican), de 0,88 enfant par femme, la réussite des enfants, toutes classes sociales confondues, demeure une obsession parentale. « L’enfant roi » est à la fois surprotégé et en jachère. Tapi dans sa bulle, il fait, sans en référer à ses parents, ce qu’il lui plait. Dès lors, il est facile d’envisager le pire. A cet égard Hur Jin-ho déclare : « Dans mon pays les enfants et les adultes ne se parlent pas beaucoup. Mais c’est la faute des adultes … Les enfants eux sont éduqués en grande partie par You Tube et par eux même. Ils ont eux aussi un objectif : être performants et intégrer les meilleurs cursus ».

Hur Jin-ho met en scène son film d’une manière classique, presque clinique, qui n’est pas sans rappeler le réalisateur autrichien Michael Haneke (83 ans). Il évite, sur la base d’un scénario subtil, avec des retournements et une conclusion percutante, de décrire ses personnages d’une façon cynique. A Normal Family est, en fait, un thriller sociétal ou le filial (les deux frères) percute le parental (les deux enfants).

De nouveau nous sommes admiratifs devant La Nouvelle Vague du cinéma sud-coréen qui nous enchante depuis plus de 20 ans : Park Chan-wook (61 ans) à la filmographie remarquable (Décision to Leave – 2022), Kim Jee-woon (60 ans), Bong Joon-ho (55 ans) avec Memories of Murder (2003) un « policier » étincelant, Parasite (2019), « œuvre monde » multirécompensée (Palme d’or au Festival de Cannes, César du meilleur film étranger et pas moins de quatre Oscars dont celui du meilleur film).

A Normal Family est un film qui nous interpelle sur notre avenir immédiat : le totalitarisme accepté (voire souhaité !) des écrans lumineux dont l’effet néfaste est de gommer le réel du virtuel, le vrai du faux. Ce glissement accéléré pose des questions sur les valeurs sociétales et les codes moraux qui régissent, par l’acceptation commune (?), nos sociétés libérales. 

A Normal Family est dans cette perspective, a découvrir.

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