La nature a déroulé un tel tapis de fleurs des champs dans le jardin qu'on a scrupule de tondre l'herbe afin de n'en point rompre la poésie, avec les escargots et les petits vers qui sont à la fête !
Tout comme les roses qui littéralement « explosent » grâce à un ensoleillement dominical qui a succédé à des pluies incessantes depuis des semaines.
Pierre de Ronsard les avait merveilleusement évoquées :
« Comme on voit sur la branche au mois de Mai la rose
En sa belle jeunesse, en sa première fleur
Rendre le ciel jaloux de sa vive couleur,
Quand l’Aube de ses pleurs au point du jour l’arrose :
La grâce dans sa feuille, et l’amour se repose,
Embaumant les jardins et les arbres d’odeur :
Mais battue ou de pluie, ou d’excessive ardeur,
Languissante elle meurt feuille à feuille déclose... »
Ce temps incertain avec même quelques chutes de neige sur nos cimes pyrénéennes... ne semble pas effaroucher le jasmin aux senteurs langoureuses, lancé à l'assaut des vénérables pierres de Navarre sur la façade Sud qui, aux cours des siècles passés, en a vu bien d'autres, en matière d'invasion offensive !
Cette espèce de plante très odorante est une des deux fleurs les plus utilisées en parfumerie, avec la rose bien entendue, affirment les spécialistes…
Quant à la poétesse Marie-Louise Arnassant, elle célèbre il y a deux siècles :
Arbuste des bergers, retraite des zéphyrs,
Toi, dont l'ombre riante appelle les plaisirs ;
Jasmin, dont le printemps compose sa guirlande,
Que souvent l'amour donne et reçoit pour offrande.
Les Grâces, autrefois se parant de tes fleurs,
D'un souffle ont parfumé tes bosquets enchanteurs !
... et sur la façade Est, c'est une explosion de roses au parfum de thé citronné qui ouvre le salon sur les vallonnements que parcoururent naguère les pèlerins de Saint Jacques :
La plus délicate des roses
Est, à coup sûr, la rose-thé.
Son bouton aux feuilles mi-closes
De carmin à peine est teinté.
On dirait une rose blanche
Qu'aurait fait rougir de pudeur,
En la lutinant sur la branche,
Un papillon trop plein d'ardeur.
Son tissu rose et diaphane
De la chair a le velouté ;
Auprès, tout incarnat se fane
Ou prend de la vulgarité.
Comme un teint aristocratique
Noircit les fronts bruns de soleil,
De ses sœurs elle rend rustique
Le coloris chaud et vermeil.
Ces roses au parfum discret portent le nom de Ghislaine de Féligonde épouse d'un officier de la grande Guerre, le comte de Féligonde.
Une belle et haute haie de lauriers constitue comme à l'accoutumée le sûr refuge de quantité d'oiseaux - dont on affirme qu'ils disparaîtraient de nos campagnes ; je ne les ai pas comptés, mais en Amikuze (Basse-Navarre) où il fait si bon vivre, la sagesse (basque) affirme : "edozein txoriri, eder bere habia" - (à chaque oiseau, son nid est le plus beau).
Ils chantent "à pleine gorge" comme les années précédentes, et tard le soir, des oiseaux (de proie ?), chouettes, hiboux eta Cie, font encore plus de boucan que d'habitude... Mes amis gascons évoqueraient lous coucuts :
"si tous portaben sounetes,
Harey mey de brut
Que miles troumpetes !
Chut !
Has-tu entenut
Canta lou coucut ?"