Un expert luthier (François Ettori), examine pour le compte de la propriétaire, Astrid Thompson (Valérie Donzelli), un violon ancien endommagé. L’expertise est sans appel : c’est bien un Stradivarius ! Astrid Thompson est au comble du bonheur. Elle est la fille d’un mécène, récemment décédé, dont le souhait aurait été d’organiser à partir des prestigieux instruments de musique de sa collection, un concert unique ou ceux-ci seraient entre les mains de virtuoses. La forme musicale choisie serait celle d’un quatuor à cordes : deux violons, un alto et un violoncelle, tous fabriqués dans les ateliers de Stradivarius (Antonio Stradivari 1644/1737), le légendaire luthier de Crémone Ces instruments de musique sont rares, véritables œuvres d’art, et exceptionnels par leur sonorité. Convaincante, lors d’un conseil d’administration de l’entreprise de son père défunt dirigé par son frère (Nicolad Bridet), elle réussit a obtenir une bourse de 10 millions d’euros pour acquérir lors d’une vente publique un violoncelle : le San Domenico, violoncelle convoité par son défunt père.
En pleine campagne, dans la grande demeure familiale, Astrid accueille quatre virtuoses de chaque instrument. Elle les a recrutés, afin de former le futur quatuor improvisé : George Massaro (Mathieu Spinosi) 1er violon, Peter Nicolescu (Daniel Garltisky) 2ème violon, Apolline de Castre (Emma Ravier) alto et Lise Carvalho (Marie Vialle) violoncelle. Les musiciens bien installés dans la somptueuse demeure de la famille Thompson découvrent avec ravissement leurs instruments respectifs, des Stradivarius aux sons chauds et puissants.
Au premier jour, dans une atmosphère détendue, les répétitions commencent. Le concert unique dans une église d’un village proche aura lieu dans sept jours. Il sera retransmis en direct sur les ondes. La partition inédite, imposée par le mécène, est celle d’un compositeur contemporain Charlie Beaumont (Fréderic Pierrot). C’est une œuvre tonale de jeunesse. Au fil des jours les répétions se passent mal entre les musiciens, les egos surgissent et s’affirment : tout est remis en cause par les partenaires occasionnels (la partition, les intentions, les tempos, etc.).
Charlie Beaumont vivant seul, retiré dans sa maison de campagne, ignore ces manèges. Il enregistre le chant des oiseaux qu’il transcrit à la manière du compositeur Olivier Messiaen (1908/1992). Il vit serin, éloigné de toutes agitations, dans son univers musical. Soudain, il reçoit, non sans réticence, une visiteuse …
Les Musiciens est le troisième opus de Grégory Magne (49 ans), également auteur du scénario original. Son long métrage précédent Les Parfums (2020) narrait l’histoire d’un « nez » célèbre (Emmanuelle Devos) en tournée avec un chauffeur qu’elle initie, au cours du voyage, à la subtilité des fragrances. Dans cette histoire, il décrivait déjà la dialectique conflit/réconciliation. C’est également le moteur de sa dernière œuvre. Chaque musicien du quatuor a son caractère : Le premier violon est imbu de sa personne ; le deuxième violon, quasi aveugle est timide ; l’altiste est inhibée par les trois autres membres du quatuor issus des conservatoires, alors qu’elle n’est qu’autodidacte ; la violoncelliste au caractère trempé est agacée par l’ambiance délétère. Leur virtuosité instrumentale individuelle ne sert à rien même avec quatre instruments exceptionnels : des Stradivarius !
Le Quatuor à cordes Alban Berg de renommée mondiale a œuvré de 1971 (fondation), à 2008 (tournée d’adieux), soit 37 ans d’activités, de vie commune, dans les salles de spectacle, les studios d’enregistrement, les voyages, etc. Une longévité inégalée pour ce type de formation musicale. Le pianiste autrichien Sir Alfred Brendel (né en 1931), déclare en 2000, à l’occasion de 30ème anniversaire de l’ensemble viennois : « Je ne m’explique pas comment quatre personnes parviennent à s’entendre ainsi depuis plus de trente ans. Et je ne parle pas de la qualité de leur jeu, de leur prodigieuse énergie. Fasse le ciel que le Quatuor Alban Berg continue de réaliser l’impossible ».
Dans Les Musiciens, le compositeur Charlie Beaumont rappelle qu’il faut des années à un quatuor à cordes, formation de musique de chambre la plus exigeante, pour jouer parfaitement à l’unisson, et produire sa propre sonorité. Or, Les Musiciens quelles que soient leurs qualités intrinsèques n’ont que sept jours de répétions avant le concert !
Les films musicaux de concert sont peu nombreux, souvent bancals, mis à part quelques exceptions, car ils posent des dilemmes mal résolus. Pour être crédibles, en plans rapprochés (plans moyens, gros plans), les acteurs doivent être de vrais musiciens dotés d’une gestique d’authentiques interprètes. C’est le cas dans Les Musiciens ou les solistes/comédiens jouent réellement de leur instrument respectif. L’authenticité ne peut être mise en doute lorsqu’ils interprètent la partition du compositeur Grégory Hetzel secondé par Daniel Garlitsky (2ème violon, interprète reconnu de musique classique et de jazz). C’est assez rarissime pour être souligné !
Les Musiciens de Gregory Magne est un film épatant par son originalité. Le langage musical par essence universel, dépasse le monde chaotique ou chaque personnage cherche sa place, et quelque part, nous aussi. De surcroit, la bande musicale de cette comédie dramatique, est d’une grande qualité (système son : 5.1).