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Société
Bayonne : la visite du Grand rabbin de France Haim Korsia
Bayonne : la visite du Grand rabbin de France Haim Korsia

| François-Xavier Esponde 1203 mots

Bayonne : la visite du Grand rabbin de France Haim Korsia

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Une assistance fournie à la mairie de Bayonne ©
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Au lycée Cassin ©
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Le Grand Rabbin de France est passé à Bayonne ce mercredi 14 mai au Lycée Cassin pour y donner une causerie aux étudiants, et particulièrement à ceux qui l'ont accompagné à Dachau pour le pèlerinage mémoriel qu'il organise tous les ans.

Bayonne avec ses communautés sépharade et aschkenaze, Bayonne ville de René Cassin, Bayonne ville de Marcel Suares, et toujours disposée à rappeler son intelligence juive de l'histoire de France et du monde.

Présenté au grand salon de la mairie et accueilli par le maire JR Etchegaray et Deborah Loupien Suares, présidente du Consistoire juif de la côte basque, le Grand Rabbin a illuminé son auditoire. Sur des questions sociétales, dans l'esprit de l'Académie des sciences morales et politiques à laquelle il appartient.

Et la diversité des pensées qui constituent en France la richesse spirituelle de la nation et ses valeurs fondatrices. "C'est par la diversité que l'on s'enrichit et que l'on avance dans le dialogue" dit-il d'entrée de l'échange. La date de 1943 et la production du Conseil national de la Résistance qui réfléchit à l'avenir en pleine guerre du pays aux épreuves, A quelle paix en pleine guerre il fallait penser ? Un rêve, ou un pressentiment et une idée de génie ? Par le retour ininterrompu à la Bible pour le peuple juif et tout croyant qui réfléchit à ce rapport avec l'Eternel continu et inachevé, du matin au soir et du soir au matin qui renait sans cesse.

Un profil de la déportation ou de tout exil forcé par le destin qui fonde ce rapport avec la transcendance et le sens de l'Eternel, Béni soit son Nom, que les hommes et femmes à la peine ont connu et supporté sans perdre confiance. Aujourd'hui dit le Rabbin "le temps est à la mélancolie et chez des jeunes parfois les questionnements ne correspondant à leur age, et ne leur donnent aucune espérance pour exister par eux mêmes. "

Cet horizon traverse l'espace républicain et celui des religions. sans optimiste il manque un peu d'avenir, pour transformer ce quelque chose autour de nous et en notre propre vie.

Citant le poème d'Apollinaire Sous le pont Mirambeau, dans une mélancolie qui ne s'épanouit dans un tel monde, comme si on survivait en un camp d'internement sans issue ni sortie sur le monde.

La conclusion de l'histoire juive à ce propos, le peuple enfermé est toujours là, vivant et non relégué en quelque musée du passé, qu'est ce qui a pu donner à cette nation si malmenée par le passé, de survivre et d'exister aujourd'hui ?

Citant des textes bibliques de l'Exode, du Deutéronome, de l'Ecclésiaste,  le Grand Rabbin s'inscrit toujours dans le relaté biblique millénaire et toujours contemporain, ineffaçable et inoubliable de son alliance. 

Comme par un sursaut de vie d'un peuple qui a connu bien souvent des aversions mortifères, le conférencier cite et commente selon lui à notre époque, plusieurs types de suicide provoqué habitent le sub conscient, celui altruiste des bonnes intentions, le suicide egoiste de confort, l'atonique et le fataliste  qui  ne se révolte pas et subit le destin. Tel n'est pas l'esprit qui habite le témoignage du conférencier et du peuple juif volontariste et ferme dans ses convictions.. 

Les allusions aux lois de fin de vie provoquée ou d'une euthanasie rendue possible par le droit contrarient la philosophie et la pensée du rabbin. Les lois de bioéthique dites lois Léonetti et des soins palliatifs existent déjà dira-t-il, il faut les appliquer et les faire connaitre.

"Le monde que nous partageons dans la mélancolie dit le rabbin, rend l'écologie punitive, en quête de coupables mais non de changements d'ordre du monde existant. Le numérique, les ambitions d'une vie augmentée, de prouesses médicales toujours conduites sans limites, au milieu de questions sociétales, telles les idéologies à propos des migrants et des menaces venues de l'étranger, restent des enjeux pour tous en voulant faire société voulant recréer des fraternités, et le rabbin commente le psaume 68, "le bonheur reçu de Dieu comme source de bénédiction chaque jour."

Ce retour à la bible face aux enjeux sociétaux est un propos singulier tenu à deux coudées de la maison de René Cassin au coeur de la cité. Allusion aux droits humains muris chez cet illustre bayonnais en 1958 et repris par le grand rabbin dans un esprit de laïcité et de disposition républicaine, où chacune des valeurs, liberté, égalité, laïcité et fraternité se reconnaissent et s'inspirent les unes des autres.

Dans l'esprit de l'Académie des sciences morales et politiques aujourd'hui l'enrichissement de telles vertus partagées fut rappelé plusieurs fois par Haim Korsia. L'antisémitisme et le racisme contre les religions est bien l'épreuve sociétale dans notre pays et en bien d'autres encore. D'autres questions telles le silence quand des adversaires patentés en veulent à votre vie ou votre survie, les conditions actuelles des relations entre homme et femme, dans le travail ou dans les partages de responsabilité, le droit de réussir dans la vie et non de se laisser porter par la médiocratie, ces enjeux d'égalitarisme des uns et d'ambitions et de résultats sont d'une pressante actualité autour du travail, des conditions de l'exercer, savoir le partager et l'appréhender.

Les questions éthiques, de la vie, du droit de reconnaître des protections à l'enfant-né, et élevé, dans un pays porté par la tentation de la judiciarisation de plus en plus élargie dans la vie sociale firent l'objet de réflexions de la part du Grand rabbin à la foi citoyen de l'académie des sciences morales et politiques mais aussi Chef religieux de la prestigieuse tradition juive du Consistoire français.

L'interlocuteur du conférencier fut Madame Markowitz, juge, habituée des lois et de leur application en matière de liberté, d'égalité de laïcité et de fraternité en France, dans un contexte culturel et sociétal en mobilité, où la loi dicte sa raison et le juge codifie les applications possibles. Invitant au commentaire et à réfléchir les valeurs de la république pour aujourd'hui. La salle interrogea à son tour le conférencier sur les incidence de l'Intelligence Artificielle sur l'intelligence de ces valeurs, la place et le nombre des croyants dans l'espace public, la perception des règles de la laicité dans la société, la paix en Israël...

Si les questions sociétales étaient présentes tout au long de l'échange pédagogique apporté par le rabbin qui ne manquait de raconter une histoire pour rendre son message audible et accessible à tout public, la mélancolie traverserait aujourd'hui selon le conférencier toutes les strates de la vie sociale. 

Demandant et exhortant à tous que  "la voie de l'espérance et de la paix" ouvre des horizons fermés ou peu disponibles à cette heure !

Républicains pour les uns, pratiquants de cultes, citant les trois cultes monothéistes, confrontés aux mêmes réalités, soucieux de correspondre avec les enjeux sociétaux d'une nation française qui doit trouver ses propres voies des dialogues interrompus, le conférencier donna une fraicheur de l'esprit à l'auditoire nombreux dans la grande salle de la Mairie. Una agora à la romaine ou à la grecque, où le grand témoin est un rabbin, son auditoire varié et polyforme, et les questions qui rappellent ces Entretiens de Bayonne promus par Henri Grenet et Georges Hahn jadis, dont la ville semble n'avoir jamais fait le deuil et gardé la nostalgie !

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