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Cinéma
Partir un jour (94’) - Film français d’Amélie Bonnin
Partir un jour (94’) - Film français d’Amélie Bonnin

| Jean-Louis Requena 748 mots

Partir un jour (94’) - Film français d’Amélie Bonnin

Partir un jour d’Amélie Bonnin .jpg
"Partir un jour" d’Amélie Bonnin ©
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Dans son restaurant parisien, à quelques jours de son ouverture, Cécile Béguin (Juliette Armanet), la quarantaine volontaire, découvre qu’elle est enceinte. Fébrile, la cheffe est à la recherche d’un « plat signature ». C’est une ancienne lauréate de l’émission télévisée gastronomique Top Chef, source de sa notoriété. La pression est forte ! Ce n’est pas le moment de devenir une future mère. Sophiane Garbi (Tewfilk Jallab), son second et compagnon, tente de la calmer, sans succès. Son stress s’accroit d’autant qu’elle reçoit un appel angoissé de sa mère, Fanfan (Dominique Blanc), qui l’informe que son père, Gérard (François Rollin), a eu un énième infarctus. Il va très mal. C’est le cuisinier d’un relais routier, L’Escale, un restaurant situé au bord d’une route nationale très fréquentée par les poids lourds. Cécile décide de partir rejoindre ses parents pour quelques jours.

L’accueil du retour de la fille prodige est chaleureux en ce qui concerne Fanfan mais bougon et agressif pour Gérard. Bien qu’affaibli, il multiplie les remarques acerbes sur Cécile, raillant notamment ses prestations et commentaires lors des émissions de Top Chef. Pour lui, c’est une transfuge de classe qui renie son passé de fille de restaurateur routinier. Cécile, sans coup férir, prend en main la cuisine pendant que Fanfan s’occupe de la salle. Gérard, acerbe, continue de maugréer.

Lors d’un court moment de détente, Cécile se promène dans la fête du village, sur les rives d’un lac. Surprise, elle rencontre Raphaël Tenriero (Bastien Bouillon), un grand blond peroxydé avenant et gouailleur : un amour de jeunesse. Lui, demeuré au village est devenu garagiste contrairement à Cécile « montée à Paris ». Toujours charmeur, Raphaël l’invite à une soirée avec ses deux copains Eddy (Mhamed Arezki) et Richard (Pierre-Antoine Billon). D’abord hésitante, elle accepte …

Partir un jour est le premier long métrage de fiction d’Amélie Bonnin (40 ans). En 2021, elle avait réalisé un court métrage … Partir un jour avec les mêmes comédiens. Son premier opus avait obtenu en 2023, le César du meilleur court métrage. Avec Dimitri Lucas, son coscénariste, elle a développé l’histoire en l’enrichissant de personnages secondaires. Partir un jour est une œuvre hybride, peu conventionnelle, dans l’univers cinématographique : ce n’est pas une comédie musicale à l’américaine (Chantons sous la pluie- 1952- de Stanley Donen et Gene Kelly ; La La Land – 2016 – de Damien Gazelle) mais un film musical particulier. 
En effet, les acteurs passent du parler normal au chanté, sans transition. Le résultat est étonnant d’autant que les chansons sont très connues, intégrées dans le répertoire français de qualité : Nougaro (Cécile), Dalida (Mourir sur scène), le Boys Band 2BE3 (Partir un jour) titre du film, etc. Les acteurs chantent une partie, ou la totalité des paroles, en situation et en son direct à l’encontre du procédé habituel de play-back (chansons enregistrées au préalable puis mimées sur le tournage). Ainsi outre l’effet de surprise, s’ajoute celui de « l’authenticité » (scènes banales : cuisine, jardin, patinoire, etc.) loin de la perfection hollywoodienne (citée ci-dessus) ou française (On connait la chanson - 1997- d’Alain Resnais)
Les chansons sont toutes reconnaissables mais l’orchestration a été adaptée, simplifiée, comme en contrepoint aux images du quotidien (exemple : épluchure de pommes de terre couplée avec une chanson triste magnifiée par un long plan séquence). Dans un interview la réalisatrice affirme : « D’une manière générale, les paroles des chansons devaient servir la narration. Même s’il est arrivé que certaines soient utilisées uniquement pour leur côté iconique ».

Partir un jour est tourné en décors naturels : L’Escale est un vrai relais routier, la patinoire également, ainsi que tous les autres lieux où apparaissent les personnages. Ainsi, le naturalisme (décors, vêtements, objets, etc.) percute la forme irréelle (chants, danses) du récit mais, paradoxalement, le renforce. Le long métrage oscille entre le drame (grossesse non désirée, relation père fille, etc.) et la comédie douce/amère des retrouvailles de Cécile avec son passé (son village natal, sa famille, son amoureux, etc.). Mais partir c’est devenir : « il ne suffit pas de quitter les choses pour que les choses nous quittent ».

Amélie Bonnin nous offre un film savoureux à la fois tendre et mélancolique, fort bien interprété et mis en images. Partir un jour démontre à nouveau la diversité de la production cinématographique française, en particulier celles des réalisatrices : Rebecca Zlotowski, Jeanne Herry, Valérie Donzelli, Alice Winocour, etc. La richesse artistique du cinéma hexagonal génère la variété de ses propositions (sujets, traitements, etc.). Toutes deux sont à préserver : exception culturelle oblige !

Partir un jour a été présenté (hors compétition) à l’ouverture de Festival de Cannes 2025.

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